Description
Édition originale.
Elle a été tirée à 300 exemplaires, tous sur vergé d’Arches.
Le chef-d’œuvre romanesque de Gide, « d’une lumineuse cruauté » (Charles du Bos).
« Bien accueilli par la critique, le livre, s’il ne conquit pas à Gide la grande notoriété que lui vaudraient plus tard La Porte étroite et Les Caves du Vatican, consacra son originalité et sa maîtrise aux yeux du public lettré » (En français dans le texte). Plus tard, le régime de Vichy accusa L’Immoraliste, non seulement l’ouvrage mais l’auteur ainsi surnommé, d’avoir corrompu la jeunesse. « Le succès précédent de Gide, Les Nourritures terrestres, eut plus d’influence sur la jeunesse, mais il est somme toute vague et sirupeux. Ici les tendances destructrices implicites dans l’obsession païenne du corps, l’homosexualité latente que le désert fait ressortir, sont annonciatrices de certains aspects de sa propre vie, si profondément modifiée par sa rencontre avec Wilde et Douglas » (Cyril Connolly.
Le faux-titre porte un envoi autographe signé de l’auteur à Octave Mirbeau :
À Octave Mirbeau,
en cordial hommage
André Gide.
Attentives, prudentes, discontinues, mais jamais interrompues et empreintes d’une admiration mutuelle – en dépit des différences artistiques et de caractère –, les relations entre Octave Mirbeau et André Gide s’épanouirent au tournant du siècle et connurent leur pic justement à l’époque de la publication de L’Immoraliste. C’est grâce à un retentissant article dans le Figaro du 24 août 1890 que Gide lit La Princesse Maleine de Maeterlinck. La même année, il fait à ses cousines la lecture du Calvaire de Mirbeau, mais en « censurant » les passages qu’il jugeait trop osés. Gide s’intéressait aux questions sociales qui obsédaient Mirbeau, lequel n’était pas indifférent à la vague symboliste qui envahissait alors les lettres par l’entremise des petites revues. Tous deux furent des admirateurs (et des préfaciers) de La Faim de Knut Hamsun, dont la tonalité antibourgeoise et vitaliste les enchantait ; tous deux partageaient un dreyfusisme sincère. Autant de proximités, d’affinités et de « différences électives » qui maintenaient une sorte de champ magnétique entre les deux écrivains.
Dès la publication de son premier livre, Gide adressera régulièrement un exemplaire dédicacé de ses ouvrages à son influent confrère. Si la phase « individualiste » et sensuelle de l’écriture gidienne, qui débute en 1893 avec son premier voyage en Algérie et l’affirmation de son homosexualité, éloigne pour un temps les deux écrivains, la crise de l’éthique conquérante exprimée dans Les Nourritures terrestres et l’élaboration de L’Immoraliste rapprochent à nouveau Gide de Mirbeau. Le premier continuera cependant à critiquer en privé les livres du second, et ce n’est qu’avec la publication en 1903 de la fameuse pièce-brûlot de Mirbeau, Les Affaires sont les affaires, qu’une entente (presque) cordiale laissera la place à une véritable estime. Quant à Mirbeau, il fera l’éloge de Gide et de L’Immoraliste lors d’une interview au journaliste Vauxcelles publiée le 8 août 1904 dans Le Matin : « Citez-moi, dis-je enfin, des « jeunes » intéressants, originaux. Octave Mirbeau me loua vivement L’Immoraliste d’André Gide, « admirable livre dont on n’a pas parlé ». »
Agréable exemplaire, sobrement relié à l’époque par Paul Vié, qui cédera son atelier en 1907.
Dos de la reliure en partie reteinté.
Provenance : Octave Mirbeau, 1848-1917 (envoi).
Références : A. Naville, Bibliographie des écrits d’André Gide, Nice, Matarasso, 1949, p. 43, n° XLVI. – C. Connolly, Cent livres-clés de la littérature moderne, 13. – En français dans le texte, 330. – Pierre Masson, « Gide et Mirbeau, » in : Cahiers Octave Mirbeau, n° 4, 1997.