LAMBERT,

Michel


Airs à I. II. III. Et IV. Parties avec la basse continue, composez par Monsieur Lambert, Maistre de la Musique de la Chambre du Roy

Paris,

Christophe Ballard,

1689.

In-folio (380 × 250 mm) de [4]-210-[2] pp., musique notée gravée sur bois, texte imprimé entre les portées ; maroquin rouge, dos à nerfs rehaussés de roulettes, compartiments ornés de cinq fleurs de lys, trois filets en encadrement sur les plats, fleurs de lys aux angles, grandes armes frappées au centre des plats, gardes et contregardes de papier marbré, dentelle intérieure, roulette sur les coupes, tranches dorées (reliure de l’époque).

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Description

Édition originale de cet important recueil musical baroque.

Il contient soixante compositions de Michel Lambert (1610-1696), maître de chant, théorbiste et compositeur français, l’un des musiciens les plus appréciés de son temps.

Après la mort de son gendre Lully, et sur une très courte période (1687-1689), Lambert remit à la mode et renouvela le genre de l’air de cour, ce dont témoigne cet ouvrage somptueux. Dans son rôle de maître de chant et de compositeur d’art dramatique – qui lui valut une solide réputation dès le milieu du siècle et les éloges de Boileau ou La Fontaine –, Lambert contribua à l’éclosion de l’opéra français. Un premier recueil d’airs gravés avait paru en 1660 à Paris, chez Charles de Sercy.

Les pages 57 à 60 contiennent la mise en musique d’un célèbre poème de Jean de La Fontaine, extrait de ses Amours de Psyché, ici proposé avec quelques variantes :

Tout l’Univers obéit à l’Amour ;
Belle Philis, soûmetez-lui vostre âme.
Les autres Dieux à ce Dieu font la cour, Et leur pouvoir est moindre que sa flame. Des jeunes cœurs c’est le suprême bien Aymez, aymez ; tout le reste n’est rien.

Sans cet Amour, tant d’objets ravissants,
Ces Prez fleuris, Bois, Jardins & Fontaines, N’ont point d’appas qui ne soient languissants, Et leur plaisir est moins doux que ces peines. Des jeunes cœurs c’est le suprême bien
Aymez, aymez ; tout le reste n’est rien.

Un musicien mondain à l’ère de l’opéra, Michel Lambert.

Au moment où l’opéra triomphe et où l’air de cour mondain décline, Michel Lambert fait donc imprimer en 1689 ce recueil d’airs d’une telle importance qu’il rappelle les éditions des opéras de Lully. Pourtant, Lambert est le témoin d’une mondanité où la musique et le texte tissent des liens étroits sans être contraints à une efficacité requise par la représentation théâtrale. Les textes des airs de cour sont donc en général non dramatiques et la musique joue encore sur une conception de la tonalité très souple, influencée par la solmisation. Dès lors, Michel Lambert tente de plaire à un public épris d’opéra sans trahir sa réputation de grand maître du chant, héritée de la mondanité.

Si Lambert « maintient le style mondain qui le caractérise avec cette finesse dans le traitement des textes, l’analyse du recueil et de ses airs montre qu’il n’hésite pas dans certains cas à supprimer des strophes et ainsi à se rapprocher d’une concision opératique. Il souscrit par ailleurs au goût pour les chœurs et à une polyphonie plus fournie en ajoutant des voix. Il enrichit l’harmonie pour rendre sa musique plus expressive. Il retranche les doubles qui faisaient sa réputation mais que Lully considérait comme les ennemis du drame. Il adjoint systématiquement des ritournelles en trio qui répondent à l’attente des instrumentistes amateurs. Ce faisant, il déplace la variation dans l’air, substituant la ritournelle au double, et recompose finalement son écriture. D’ornementale, la variation devient mélodique et harmonique, ce qui la rend finalement très moderne. À 79 ans, Michel Lambert apparaît ainsi comme un compositeur très alerte et à l’écoute de son temps. Il n’a de cesse d’actualiser l’air de cour. N’écrivant pas ses textes mais choisissant ses auteurs, il a échangé avec eux dans les salons et tissé une relation harmonieuse entre texte et musique fondée sur l’esthétique du tableau. Si, chez Lully, l’opéra conserve en apparence cette collusion entre texte et musique, ce que souligne la terminologie “tragédie en musique”, on sait que la tragédie chantée est réduite au quart d’une version déclamée et que la musique renonce à ces chemins détournés qui donnent toute leur épaisseur aux airs de cour. La douce harmonie du rapport entre texte et musique établie dans les salons ne peut résister à l’efficacité nécessaire à l’écriture dramatique et à un contentement immédiat. Ainsi, c’est probablement l’absence de conception dramatique des textes qui met un terme à une entreprise de rénovation de l’air de cour pourtant très novatrice. Et si la production d’airs se poursuit au-delà de ce recueil du grand maître que fut Michel Lambert, l’abandon d’une entreprise qui devait comprendre 7 volumes atteste que cette conception du rapport entre texte et musique issue de la mondanité aristocratique a vécu » (Yann Mahé).

Exemplaire relié en maroquin du temps aux armes d’Élisabeth-Charlotte de Bavière, duchesse d’Orléans (1652-1722), dite « Princesse Palatine » et « Madame ».

La belle-sœur de Louis XIV – elle avait épousé en 1671 le duc Philippe d’Orléans, fils cadet de Louis XIII –, lettrée et pleine d’esprit, voire philosophe (elle entretint une correspondance avec Leibniz) fut l’une des plus belles plumes du GrandSiècle, ainsi qu’en témoigne sa correspondance.

Déchirure dans la marge du feuillet G4 (sans manque de papier ni atteinte au texte) ; infimes accrocs et manques de papier dans la marge des deux derniers feuillets et en bordure des gardes blanches.

Références : Yann Mahé, « Michel Lambert et son recueil de 1689 : un musicien mondain à l’ère de l’opéra », in Littératures, no 67, 2013, pp. 173-188. – Pour la provenance : O.-H.-R., pl.2564 (fer non reproduit).– Quentin- Bauchart, Les Femmes bibliophiles de France, 1886, I, p. 109.

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