Description
Précieux témoignage sur le premier film de Robert Bresson tourné en couleurs.
Cet exemplaire de travail du scénario d’Une femme douce a appartenu à la scripte Geneviève Cortier (1928-2017), qui travailla notamment avec Claude Sautet et assura la continuité sur trois films de Robert Bresson : Au hasard Balthazar et Une femme douce et Lancelot du lac.
Le volume se compose de deux parties. La première, entièrement manuscrite, comporte le dépouillement et se compose de 42 feuillets non chiffrés, de 3 petits feuillets de papier quadrillé, d’un plan de tournage polycopié dépliant rehaussé au feutre, et d’un plan manuscrit au crayon noir replié (« Appartement Baratier »). La seconde, qui est occupée par le scénario-découpage sous forme de continuité dialoguée (427 plans), comporte 1 feuillet non chiffré et 117 feuillets chiffrés.
Très abondamment annoté au crayon noir et à l’encre, et agrémenté de quelques plans manuscrits, l’exemplaire de Geneviève Cortier est en outre illustré de 50 photographies de tournage (épreuves polaroïd noir et blanc) fixant autant de plans du film, ainsi que de 10 fragments de pellicule impressionnée. On a joint, à part, un second plan du tournage et 7 autres fragments de pellicule impressionnée, collés sur deux feuillets de papier d’écolier.
Ces documents ont été originellement collés au scotch par la scripte, le plus souvent au verso des pages dactylographiées, plus rarement à l’intérieur du texte. L’oxydation ayant ôté au scotch ses vertus adhésives, les épreuves polaroïd et les fragments de film sont libres, sauf exception.
L’annotation et l’illustration restituent l’atmosphère fiévreuse et concentrée du tournage de ce long-métrage remarquable, sorte de Kammerspiel film adapté d’une nouvelle de Dostoïevski, La Douce (1876). Sont méticuleusement consignés les déplacements et les attitudes des acteurs, les entrées et sorties, la modification des mouvements de caméra, les suppressions ou ajouts, les hésitations, les improvisations, les plans de coupe, les changements de répliques, les costumes, les accessoires, etc.
Avec Une femme douce, sorti sur les écrans français le 28 août 1969, Bresson affrontait deux défis esthétiques majeurs. En premier lieu la couleur, qu’il abordait pour la première fois : il en craignait la nature versatile et peu contrôlable – ainsi que le « faux réalisme » –, mais Ghislain Cloquet fit un travail remarquable en éteignant les tons plus violents et en estompant les contrastes. Ensuite la réduction spatiale du film à un lieu quasiment unique : l’appartement du protagoniste, à la fois nid et cage où se trouve enfermée la mystérieuse et malheureuse protagoniste interprétée par une très jeune Dominique Sanda. Véritable abrégé de la méthode antinaturaliste et antithéâtrale de Robert Bresson, Une femme douce demeure l’un des films les plus achevés de la dernière période du cinéaste.
Le volume comporte en outre un beau portrait photographique de Robert Bresson pris sur le tournage du film (Neuilly, mai 1968, 125 x 205 mm, tirage argentique sur papier baryté, cachet de la production au verso) et 8 coupures de presse (dont 4 libres).
Toile de la reliure est un peu passée et salie.
