CREVEL,

René


Le Clavecin de Diderot

Paris,

1932.

In-12 (185 × 112 mm) de 168-(4) pp. ; reliure bradel, dos de maroquin vert avec titre or en long, plats recouverts de papier peint en trois tons (vert, noir et gris perle), gardes et contregardes de papier vert, couverture crème imprimée en vert et dos conservés (P. Goy & C. Vilaine).

1 500

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Description

Édition originale.

Un des 200 exemplaires sur papier Vert Lumière constituant le tirage de luxe.

Envoi de l’auteur à l’encre bleue sur le faux-titre :

à Waldo Frank, Cordial hommage René Crevel

L’écrivain américain Waldo Frank (1889-1967) fut, tout comme René Crevel, un ardent compagnon de route du communisme international dans les années 1930. La rencontre entre les deux hommes eut peut-être lieu à Paris, au retour de Waldo Frank de son voyage en Russie accompli à la fin de l’année 1931. Crevel, qui à cette époque croyait encore à un rapprochement entre le PCF et les surréalistes, sera exclu du parti en 1933 (il en était membre depuis 1927). Waldo Frank, quant à lui, prendra ses distances avec les communistes américains en 1937, après avoir interviewé Trotski au Mexique et protesté contre le traitement réservé à ce dernier par l’Union soviétique stalinienne.

Un ouvrage charnière dans l’histoire politique du surréalisme, dédié à André Breton et Paul Éluard.

Alors que la rupture avec Aragon et les communistes est en passe d’être consommée, Crevel lance contre l’ordre bourgeois ce livre-molotov dans lequel le matérialisme des Lumières épouse la cause prolétarienne, et où Diderot fait bon ménage avec Lénine.

«L’essai […] est une suite composite de chapitres où les violentes diatribes contre l’ordre bourgeois, le conformisme universitaire, le christianisme, le colonialisme […] voisinent avec des confidences plus intimes. À sa manière, ce texte résume bien la tension idéologique du surréalisme autour de 1930 : héritier de Dada et de sa révolte radicale, il reste fidèle au premier Manifeste du surréalisme par les ponts qu’il lance vers la psychanalyse, tout en cherchant à prendre place, grâce au marxisme, dans la lutte prolétarienne, en suivant le sillage du Second manifeste et de la revue Le Surréalisme au service de la révolution.

Sous les doigts de Crevel, le clavecin fait alors entendre une musique dont les dissonances aiguës ne sont pas sans rappeler ces “sauts étonnants” et cette “harmonique qui est à un intervalle incompréhensible”, que l’encyclopédiste attribuait à l’instrument.[…] Comme Lénine, Crevel range Diderot parmi les “vrais matérialistes”, mais alors que le dirigeant bolchevick [sic] ne lui assigne qu’un rôle, celui d’être un rempart contre la contamination idéaliste du marxisme, chez le surréaliste la métaphore du clavecin se déploie dans différentes directions à partir de ce solide point d’ancrage. Diderot a d’abord subverti l’image superficielle à laquelle renvoie spontanément cet instrument. “Décapé du pittoresque d’époque” par “sa masse exacte” (autrement dit : sa seule matérialité), il révèle un autre XVIIIe siècle que celui d’une cour futile où il faisait entendre ses “petits menuets de souvenirs verlainiens”. Poursuivant son propos, dans l’ultime chapitre du livre intitulé “Le surréalisme au service de la révolution”, Crevel se fait plus explicite : Clavecin sensible : les encyclopédistes dans leur immense entreprise, au cours d’un siècle de bouts-rimés, n’ont cessé de témoigner du véritable esprit poétique, d’un esprit qui voulait faire quelque chose, fit quelque chose, puisqu’il prépara la chose à faire la Révolution, et ainsi, fut digne de l’étymologie de son admirable qualificatif poétique du grec poiein, faire. Pour Crevel, comme pour Breton, la poésie est action. (Didier Foucault)

Marges légèrement passées, comme toujours ; piqûres très pâles sur la couverture, petit pli au plat supérieur, infime manque de papier au dos ; les plats de la couverture sont montés sur onglet.

Provenance : Waldo Frank (1889-1967).

Références : Didier Foucault, « Vibrations du clavecin de Diderot : des Lumières vers le marxisme et le surréalisme », in Littératures classiques, 2014/3 (no 85), Paris, Armand Colin, pp. 327-341.

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