Édifier et prier en français au XVe siècle : un rarissime manuel théologique et dévotionnel en vulgaire publié du vivant de l’auteur.

MONTFIQUET,

Raoul de


Expositions de l’Ave Maria – Exposition de l’oraison dominicale

[Paris],

Pierre Levet & Jehan Alissot,

[28 février 1485 (=1486)].

(a1r : ) Lexposition de laue Maria. (a2r : ) Exposition de la salutation angelicque… (f7r : ) Cy finist lexposicion de Aue maria // compilée par maistre Raoul de montfiquet (verso blanc).

Relié à la suite :

(a1r : ) Exposicion de loroison dominicale // pater noster… (g8r : ) Imprime a la rue saīct iaquez au pres // de petit pont par Pierre Leuet. Lan Mil quatre cens // quatre vingtz et cinq. La vigille de sainct Andry.

[Paris], Pierre Levet & Jehan Alissot, [28 février 1485 (=1486)] pour l’Ave Maria. – [Paris], Pierre Levet, 29 novembre 1485 pour le Pater.

In-4 gothique (178 x 126 mm) de (47) ff., y compris le titre sur une ligne, pour l’Ave maria (a-e8, f7 ; sans la Déclamation de Guillaume Alexis : 13 ff signés f8, g-h6) ; et (56) ff., y compris le titre sur deux lignes, pour le Pater (a-g8) ; lettres bâtardes, 28 lignes, initiales et rubriques en rouge et jaune ; maroquin bleu-vert, dos à nerfs, filet à froid sur les plats, bordure intérieure ornée de trois filets dont un à froid, filet sur les coupes, coiffes guillochées, tranches dorées (Leighton, Brewer St.).

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Description

Éditions originales, d’une grande rareté.

On connaît six ouvrages composés par Raoul de Montfiquet, dont les deux premiers, Exposition de l’oraison dominicale et Exposition de l’Ave Maria, sont réunis dans ce volume. Ces traités constituent un précieux témoignage sur les débuts de la littérature théologique et édifiante en langue vulgaire, et occupent de ce fait une place importante dans l’histoire de l’évolution du français littéraire.

Le traité sur la prière mariale est orné de deux bois gravés, finement rehaussés.

Ces deux belles figures à mi page gravées au trait (env. 70 x 92 mm) – « which are among the earliest produced at Paris » (cat. Fairfax Murray) – sont placées au recto des feuillets a2 et d8 de l’Exposition de l’Ave Maria. Elles montrent une Annonciation et une Visitation, cette dernière entourée d’un paysage avec château-fort. Comme le souligne Hugh W. Davies (Fairfax Murray), les bois de cet exemplaire ont été délicatement coloriés par le rubricateur : le premier en rouge et jaune ; le second, de façon plus partielle et moins prononcée, seulement en jaune.

Originaire de Basse-Normandie, Raoul de Montfiquet appartenait à une famille de la petite noblesse locale. Après avoir accompli ses études en qualité de boursier au collège de maître Gervais à Paris, il en devint le prieur et y rédigea la plupart de ses ouvrages. Promu docteur en théologie à une date inconnue, il exerça la charge de recteur de l’université durant l’année 1475. Dans les années 1480-82, il fut chargé de défendre les intérêts de la Sorbonne devant le Parlement. Il était en relation avec les bénédictins de l’abbaye Saint-Vigor de Cerisy-la-forêt (Bayeux), où il rédigea la majeure partie de son traité sur l’Eucharistie, et possédait depuis 1490 un bénéfice au diocèse de Rouen. À sa mort, survenue en 1501, il fit une donation au collège de maître Gervais comprenant un manuscrit annoté de sa main des Declamationes de Quintilien et de la Rhetorica de Georges de Trébizonde (conservé à la Bibliothèque de la Sorbonne, ms 629).

Contrairement à ce que croyait Brunet (III, 1863 et Suppl. 1-1110), les deux Expositions qui forment notre volume sont bien des ouvrages différents et imprimés séparément – le Pater par Pierre Levet seul en novembre 1485, l’Ave Maria par Levet et Jehan Alissot trois mois plus tard –, même si, comme le suggèrent l’homogénéité typographique et une allusion à l’Explication du Pater au feuillet f6v de l’Ave Maria, ils étaient vraisemblablement destinés à être vendus ensemble.

Le traité de Raoul de Montfiquet consacré au Pater, dont ne subsiste que la version française, s’insère dans le cadre – plus vaste que le titre ne le laisserait prévoir – d’un traité général (nature et nécessité de la prière, qualités requises pour qu’elle soit méritoire et susceptible d’être exaucée, etc.). L’exposition proprement dite est divisée en deux parties en fonction des sept requêtes du Pater : les trois premières « ordonnent nostre ame envers Dieu, pour ce qu’ilz sont des biens eternelz ou espirituelz qui ont Dieu pour leur object ou fin », les quatre dernières « regardent les deffaultes de l’homme ». L’autorité la plus régulièrement invoquée est Richard de Saint-Victor. L’Exposition du Pater est l’un des tout premiers livres imprimés par Pierre Levet (cf. Claudin).

L’Exposition de l’Ave Maria, entièrement consacrée à la prière mariale, devrait être suivie, dans cette première édition, d’une Déclamation sur l’évangile Missus est Gabriel de Guillaume Alexis (13 ff.). Cette pièce en vers placée après l’explicit au dernier feuillet de l’Ave Maria – dont le verso blanc marque une séparation nette entre les deux textes – ne se trouve pas dans notre exemplaire.

Les Expositions de Montfiquet, écrit Guy Bechtel, « ont pu, par certains imprimeurs comme Levet, être parfois tirées à part et recomposées selon les besoins en livres un peu différents ». La Déclamation de Guillaume Alexis a dû souvent être extraite et reliée séparément, probablement en raison de son intérêt littéraire et de son illustration dépassant le strict cadre religieux des ouvrages de Montfiquet : c’est le cas pour l’exemplaire De Bure (2e cat., n° 1656), cité par Bechtel, et celui conservé à la National Library de Cape Town (le seul localisé par le ISTC). Enfin, Hugh W. Davies remarque que ni le traité du Pater ni celui de l’Ave Maria ne mentionnent la Déclamation.

On ne recense avec certitude que deux ou trois exemplaires de ces ouvrages.

Le volume conservé à la bibliothèque de Chantilly, acquis par le duc d’Aumale à la vente Yemeniz (cat. 1867, n° 134), contient, outre les deux Expositions de Raoul de Montfiquet, la Déclamation de Guillaume Alexis imprimée à la suite de l’Ave Maria. Relié en maroquin rouge par Duru avant la vente Yemeniz, il a été relié à nouveau par Thompson, toujours en maroquin rouge. Le Musée Plantin-Moretus (Antwerpen), possède un exemplaire du seul Pater.

Annotations contemporaines à l’encre brune dans la marge inférieure du feuillet b8r de l’Ave Maria (avec décharge sur b7v), tache brune au feuillet f2 du même ouvrage (avec légère atteinte à quelques lettres de f2v), réparation traversant le titre (sans atteinte à l’imprimé). – Le titre du Pater, sali, présente une importante restauration affectant les quatre dernières lettres du mot « dominicale » et, au verso, des annotations à l’encre brune (presque effacées) ; faibles mouillures aux trois premiers feuillets du même ouvrage. – Quelques taches et rousseurs, très éparses.

Provenance : Charles Fairfax Murray (1849-1919), avec les étiquettes de rangement (nos 388 et 389). – Sylvain Brunschvig, avec son ex-libris (Genève, cat. 1955, n° 291). – Librairie Lardanchet (cat. 1963, n° 224). – Collection particulière (ex-libris supprimé).

Références : Ave Maria. HC 819 ; Pell Ms 8211 (8137) ; Delisle 1271 ; GW M36878 ; Bechtel E-210 & A-112 (pour la Déclamation) ; Fairfax Murray 388 (cet exemplaire). – Pater Noster. C 4359 ; Pell Ms 8210 (8136) ; Polain(B) 2788 ; GW M36880 ; Bechtel E-215 ; Fairfax Murray 389 (cet exemplaire). – Voir aussi Tchemerzine-Scheler, I, pp. 50-51.

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