HEMINGWAY,

Ernest


Lettre dactylographiée signée adressée à Roberto Herrera Sotolongo

[Kenya],

14 octobre 1953.

2 pages dactylographiées in-4 (253 x 202 mm) avec quelques mots autographes à l’encre bleue, environ 55 lignes par page, signature autographe « Mister Papa » ; enveloppe jointe.

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Description

Belle et longue lettre en espagnol évoquant son voyage au Kenya.

Adressée à Roberto Herrera Sotolongo – secrétaire et photographe d’Hemingway à Cuba – elle constitue un témoignage très vivant du deuxième safari kényan (1953-1954) au cours duquel l’écrivain vieillissant cherchait à retrouver les sensations qui, vingt ans plus tôt, lui avaient inspiré des chefs-d’œuvre tels que The Short happy life of Francis Macomber et The Snows of Kilimanjaro.

Cher et très apprécié Monstruo :
Je suis passé hier par Nairobi, j’ai terminé les premières préparations du safari et reçu ta lettre avec les chèques pour les gars dont le mystérieux chèque du Canada (d’un de mes enfants illégitimes ?) et l’important chèque de dividendes pour Miss Mary. Je pense qu’il est peut–être dangereux d’encaisser celui du Canada. Est-il certifié ? C’est peut-être l’œil de Moscou ou de la grande putain. En parlant de ça, quelles nouvelles de la Planète Putareal ? Raconte-moi de la Floridita et transmet mes salutations et mon amour le plus sincère au Leo et mon bonjour à tous ceux du bar ainsi qu’à Alvarez…
Le grand Mayito est ces jours-ci au Tanganyka et va nous rejoindre la semaine prochaine dans la propriété de Patricio. Mayito est connu dans les parages pour être le meilleur tireur cubain. Il tue plus de gens que le typhus ou que Pepe Quintanilla. Il est très bon fusil et tire plus vite que son ombre.

Il lui demande de prendre contact avec « l’Illustre don Andres » et de lui lire ce qu’il lui a écrit, car il n’a pas ses coordonnées et se lève tous les jours à 4h du matin, parcourant 10 à 15 milles par jours, de sorte que le soir il est mort et incapable de signer des chèques. Mais il a quand même traîné deux lions de 192 kg sur près de deux mille mètres…

Après t’avoir écrit la dernière fois, nous avons pris avec Theisen des photographies qui promettent d’être magnifiques. Moi très près d’un couple de superbes rhinocéros, et des photographies de très beaux buffles. Il y a aussi un impala qui a fait un saut de 28 pieds pour atterrir à l’intérieur de la jeep et « pauvre papa » qui tient la bête par la peau du cou ; Theisen l’a pris de l’extérieur avec son flash au 5000e de seconde (je ne me souviens pas du chiffre). Si c’est réussi, ce sera l’une des meilleures photos en action de l’année…

Mary et lui ont eu des soucis avec des buffles et des lions, mais il vaut mieux s’en rapporter aux photos qu’essayer de convaincre « el soberano publico con las putas palabras ».

Nous avons formé une bande Masaï, de vrais « couillus », elle s’appelle Los Honest Ernie’s. Demain matin, je dois aller, à la demande du Game Department, tuer un éléphant de très grande taille, une sorte de vendetta des employés du « Kenia marble quarries »…

Il le remercie de ses diligences concernant les impôts, et lui envoie un chèque de 400 $ avec des instructions pour régler différentes petites dettes.

Écris, s’il te plaît, à Coats et Dorsey, dis-leur que je passe mon temps en dehors de la civilisation et que je ne peux pas m’occuper des papiers de l’assurance (…) J’ai passé deux heures à Nairobi à tout signer. Ce qu’il ne faut pas leur dire c’est que j’ai rencontré Shevlin au New Stanley et que nous avons pris une bonne cuite ensemble. Comme il va ce matin au Rio Tana pour un grand éléphant, je lui prête mon arme…
Si Mr. Mayito continue à ne pas écrire à sa famille, dis-leur que sa santé est resplendissante, son humeur est bonne et sa chance aussi. Il est très populaire ici, comme partout ailleurs, et il est déjà une sorte de légende pour sa galanterie, ses « cojones » et sa façon de manier le fusil. Il parle les dialectes africains comme s’il était né sur les bords du Guaso Nyieri…

La longue liste de salutations se termine par un « abrazo » a son « frère et ami », la signature « Mister papa » et ces quelques mots autographes :

Muchos saludos y
memorias de Mary.
Nunca estuva tan
alegre, sano y contento.

À l’époque de l’antispécisme et de la dévaluation du mâle, cette prose macho, baroudeuse et déculpabilisée – avec ses « rifles », « putas », « cuites » et autres « cojones » – laisse rêveur… Mais lorsqu’on sait qu’en 1953, au Kenya, Hemingway chassait moins les lions et les éléphants qu’il ne se débattait contre le vieillissement et sa dépendance à l’alcool, cette lettre trop virile en devient presque poignante : le rugissement peu assuré d’un lion blessé.

On joint le chèque de 400 $ évoqué dans la lettre, libellé au nom de « Roberto Herrera », daté et signé par Hemingway (15 octobre 1953).

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