BRETON,

André


Lettre autographe signée adressée au docteur Edmond Bonniot

Paris,

vendredi 4 janvier 1918.

1 page et demie in-4 (269 × 209 mm), encre noire sur papier crème listé de noir, en-tête du Val-de-Grâce ; enveloppe oblitérée jointe, également listée de noir.

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Description

Belle lettre du jeune André Breton adressée au gendre de Stéphane Mallarmé.

Breton avait fait la connaissance du docteur Bonniot et de la fille du poète en 1915 par l’entremise de Paul Valéry, dont il est d’ailleurs question dans cette lettre traversée d’échos littéraires. À l’époque de sa rédaction, le docteur Bonniot était médecin-chef du service de radiographie de l’hôpital Broussais, alors que Breton était encore « étudiant de médecine au Val de Grâce », comme l’indique la souscription autographe en page [2]. Si la guerre mit un frein à l’activité poétique du jeune écrivain déchiré entre Mallarmé et Rimbaud – il choisit Apollinaire pour l’aider à dépasser cette crise –, nous sommes ici tout proches de la « renaissance » littéraire de Breton et du tournant définitif que donnèrent à sa vie la rencontre avec Aragon et la découverte des Chants de Maldoror.

Mais Breton se garde bien de parler de Lautréamont au docteur Bonniot, grand prêtre du culte mallarméen dont le futur auteur de Nadja s’éloigne de plus en plus, alors même que les liens amicaux se détendent avec Paul Valéry, «héritier» désigné de Stéphane Mallarmé. Il préfère évoquer Alfred Jarry, l’une de ses passions durables – et qui fleurait encore bon le symbolisme – et, à l’opposé de l’échiquier littéraire, l’œuvre du nationaliste Maurice Barrès, qu’Aragon appréciait aussi mais dont les surréalistes organiseront le procès fictif en 1921. Breton avance masqué, mais Dada n’est pas loin, ni le premier numéro de Littérature, qui paraîtra en mars 1919…

[…] J’ai malheureusement perdu votre adresse du boulevard de Batignolles.
Si triste à l’idée de ma défaveur possible après de Paul Valéry, je ne compte
plus que par vous la rapprendre.
Les mêmes obligations militaires qui, du semblant de mon détachement, ont pu
affliger Monsieur Paul Valéry, me font sans doute aussi coupable à vos yeux :
quand j’aurais tant aimé inscrire dans mes matins plusieurs visites à l’hopital
[sic] Broussais.
Je suis au Val de Grâce pour quelques mois encore. Je maudirai ce temps
s’il me fait perdre les amitiés qui m’étaient les plus chères.
Je n’écris pas de poèmes, peut-être faute de retrouver cet optimisme dont
vous me parlâtes, Monsieur, en revenant de cette pauvre commémoration
de Baudelaire. Je suis à la tête de plusieurs articles de critique qui
ne vous plairont pas. Vers le vingt-cinq février, je parlerai d’Alfred
Jarry au théâtre du Vieux-Colombier. C’est ma passion de l’heure, avec Barrès.
Je suis, Monsieur, très désireux de vous voir.
Je vous prie de mettre aux pieds de Madame Bonniot [i.e. Geneviève,
née Mallarmé] mes hommages et d’agréer l’expression de mon
respectueux dévouement.
André Breton

Plis marqués, très habiles restaurations.

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