FOUREST,

Georges


LE GÉRANIUM OVIPARE – MANUSCRIT AUTOGRAPHE COMPLET ET SIGNÉ

Sans lieu,

[fin 1934].

116 feuillets non chiffrés ou avec foliotage séparé (dont 6 feuillets blancs indiquant les pages qui ne doivent pas être imprimées), encre bleue ou noire sur papier de cahier d’écolier à réglures bleues et rouges, écriture très soignée au recto (seuls huit feuillets comportent des portions de texte au verso) ; le manuscrit, préparé pour l’impression, comporte une centaine de corrections autographes à la plume ou (plus rarement) à la mine de plomb, et quelques intervention du prote à la mine de plomb ou au crayon bleu ; signé par l’auteur au bas du feuillet [2], « Le livre au lecteur » : la signature, biffée sur le manuscrit mais parfaitement lisible, n’apparaît pas dans la version imprimée.

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Description

Manuscrit autographe complet de ce petit chef-d’œuvre de la poésie fantaisiste et parodique française, exquisément littéraire.

Publié en 1934 par José Corti, l’éditeur des surréalistes, Le Géranium ovipare forme avec le précédent recueil de vers de l’auteur, La Négresse blonde (publié à compte d’auteur en 1909 et préfacé par Willy), un réjouissant diptyque burlesque, d’inspiration parfois gaillarde, dans lequel les grands et petits noms de la littérature française sont évoqués, imités, parodiés, brocardés ou passés à la moulinette.

Le manuscrit, remis à José Corti par Georges Fourest pour l’impression, comporte une centaine d’interventions autographes de l’auteur à la plume ou à la mine de plomb – ajouts et suppressions allant d’un mot à une strophe entière, corrections orthographiques, ponctuation, etc. – qui prouvent que Fourest, au moment même de livrer sa copie, ne cessait d’amender le texte de l’ouvrage, remettant parfois sur le métier des passages entiers de poèmes anciens ou récents.

Le Géranium ovipare, publié en 1935 par José Corti, qui venait de rééditer La Négresse blonde en 1934, est une sorte de bottin satirique dans lequel s’entassent, dans un beau désordre et dans la plus grande gaieté – rythmés par une versification à la fois rigoureuse et foutraque, aussi érudite que funambulesque –, le ban et l’arrière-ban des écrivains français, toutes époques confondues : des classiques à Mauriac, en passant par les romantiques, les naturalistes, les décadents et les symbolistes (dont Fourest fut un proche) ou encore les réalistes tels que Carco et Mac-Orlan.

Défilent ainsi pêle-mêle : Willy – l’ami de toujours, à qui l’ouvrage est dédié –, Pierre Benoît, Louis Bouilhet, Chateaubriand, Musset, Ballanche, Paul de Kock, Abel Hermant, Proust, Verlaine (et son « Banquet »), Rabelais, Corneille, Pascal, Alphonse Allais, Georges Courteline, Aristide Bruant, Francisque Sarcey, Jarry (et son Ubu), Stuart Merrill, Anatole France, Jules Verne, Zola, Georges Ohnet, André Theuriet, Gustave Feuillet, Hector Malot, René Boylesve, Maurice Barrès, Lucien Descaves, Maurice Dekobra, Marc Elder, Gide, Morand, Montherlant, Marcel Arland, Chardonne, Céline (battu par Guy Mazeline au Prix Goncourt), Drieu la Rochelle ou encore Cendrars – sans oublier Rimbaud qui, cocassement accolé à un autre Arthur (Meyer), clôt ce singulier cortège.

Entre fantaisie et tradition : un héritier du Parnasse satyrique et un acrobate de la langue.

L’auteur a tenu à se représenter dans un coin du tableau, parmi cette foule de noms plus ou moins célèbres où figurent certains de ses amis écrivains, mais il l’a fait avec une légèreté et un sens de la dérision caractéristiques de son style à la fois pyrotechnique et délicat, marqué, en dépit des apparences, par une prosodie savante. Car Georges Fourest (Limoges, 1864-Paris, 1865) ne prenait rien au sérieux et se moquait volontiers de lui-même, notamment de sa profession d’avocat, dont la durée fut brève (il avait fait imprimer sur ses cartes de visite « avocat loin de la cour d’appel » ou encore « oisif »). Devenu rentier, passionné de littérature et de musique (comme son ami Willy), il connut la célébrité du jour au lendemain avec La Négresse blonde, et assit sa réputation de versificateur fantaisiste – mais fermement ancré dans la tradition satirique qui va des poètes du xviie siècle aux chansonniers du Chat Noir – avec ce Géranium ovipare, deux livres dont le succès se perpétue de génération en génération, que l’on se passe de main en main avec des airs de conspirateur des lettres, et dont on cite encore aujourd’hui, avec gourmandise, les traits d’esprit et les jeux de mots.

Son œuvre, écrit le préfacier de la dernière édition des deux recueils, publiée par Grasset, « est mince mais, pour le moins, marquante. Mots rares et crus, rimes facétieuses, métaphores sophistiquées ou bouffonnes, versification rigoureuse : c’est un incomparable acrobate de la langue, doublé d’un expert en outrances verbales, quelquefois sexuelles et drôlement scatologiques ». Le Géranium ovipare est « un petit bijou de fantaisie, de malicieuse cruauté. […] Les poèmes de Fourest peuvent rimer à tout et à rien, ils ne sont jamais gratuits. Sous le jeu des mots percent toujours la critique sociale, le tableau d’époque… […] D’un rire carnassier, il mord le sot, le fat, le bourgeois et la salonnarde », se fiant à « la puissance irradiante du verbe et au pouvoir de dissolution du rire ».

Dans ses Souvenirs désordonnés, José Corti – éditeur de Fourest et possesseur de ce manuscrit – consacre une jolie page à l’auteur du Géranium ovipare. « Quand j’ai connu Georges Fourest, il était dans la soixantaine et déjà célèbre. Il ne ressemblait pas plus à l’idée qu’un lecteur de la Négresse blonde pouvait se faire de lui que le Gracq qu’on imaginait au moment de la publication du Château d’Argol ne ressemblait au Gracq réel. Le poète, qui époustouflait les foules et rêvait d’un enterrement délirant, était un homme tout à fait posé et – sauf quand à Deauville il portait veste blanche et casquette de yachtman – vêtu de la classique et déjà désuète jaquette et coiffé du melon dont le règne touchait aussi à sa fin. Il avait l’air bonhomme d’un chef de bureau de ministère. Il n’en avait pas moins écrit la Négresse blonde pour son plaisir et le nôtre. » Après avoir échoué à convaincre Fourest de composer un recueil de souvenirs, Corti le décida à publier les poèmes écrits depuis la Négresse. « La recherche du titre de ce nouveau recueil le fit peiner. Il était en effet bien difficile de lui en trouver un qui pût entrer en comparaison de singularité avec la Négresse blonde. Il proposa enfin le Dahlia ovipare, titre qui fut changé, à ma prière, en celui de Géranium ovipare au moment du tirage [voilà qui explique pourquoi le titre n’est pas présent dans ce manuscrit]. Le livre sortit en 1935, vingt-six ans après la Négresse et depuis, formant avec elle un ensemble qui n’a pas d’équivalent dans notre littérature, il poursuit sa belle carrière de réimpression en réimpression. »

On joint au manuscrit :

  1. Le Géranium ovipare. Paris, José Corti, 1935. In-12 (193 x 144 mm) de 112-[2] pp., broché, couverture chamois imprimée en rouge et noir, non coupé.

Édition originale.

Un des 5 exemplaires de tête sur Japon, portant le n° 1 : c’est celui de l’éditeur, enrichi de ce bel envoi autographe signé sur le faux-titre :

A Monsieur Jose Corti
le plus admirable des éditeurs
en lui serrant cordialement
la main
Georges Fourest

  1. Deux lettres autographes signées d’un proche de José Corti [G. Bastien ?]. L’éditeur lui a envoyé les épreuves du Géranium ovipare, et son correspondant répond en soulevant des doutes typographiques ou en suggérant des corrections. Simplement datées de « Samedi » (2 pages in-4) et de « Lundi » (4 pages in-4), ces lettres à l’encre bleue ont été écrites par un lecteur attentif et cultivé (il cite même Raymond Roussel à propos d’un vers de Georges Fourest), qui avait la confiance de José Corti à l’époque où le propriétaire des Éditions surréalistes commençait à publier des livres sous son propre nom. Le premier de ces deux documents porte l’en-tête de la « Fédération des chambres syndicales des fers, métaux, matériel d’usines de France » (10 rue de Lancry, Paris 10e).
  2. Lettre autographe signée de Maurice Noël, critique au Figaro et fondateur du Figaro littéraire. Il remercie Corti de l’envoi des épreuves et propose un rendez-vous avec Pierre Brisson, directeur du journal, en vue d’une publication d’extraits du Géranium(datée « Jeudi soir », 2 pages in-12, encre noire, en-tête du Figaro). Dans ses mémoires, Corti mentionne ses tentatives de publication de souvenirs de Fourest dans le Figaro littéraire et le rôle joué par Maurice Noël à cette occasion.
  3. Lettre dactylographiée signée de Frédéric Lefèvre, rédacteur en chef des Nouvelles littéraires de 1922 à 1949 (5 février 1935, 1 pages in-4 à l’en-tête du journal). Il remercie de l’envoi des épreuves du Géranium ; il ne trouve pas utile d’en publier un fragment, mais promet d’en rendre compte.
  4. Trois épreuves d’essai de la couverture du Géranium ovipare, sur papier mince.

Quelques feuillets effrangés ou fendillés sur les bords, deux feuillets déchirés avec réfection grossière au verso ; petits départs de fentes au dos du volume broché.

Provenance : José Corticchiato, dit José Corti (1895-1984).

Références : José Corti, Souvenirs désordonnés, Paris, 1931, pp. 207-208. – Georges Fourest, La Négresse blonde suivi de Le Géranium ovipare, Paris, Bernard Grasset, 2000.

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