BATAILLE,

Georges


Sur Nietzsche. Volonté de chance

Paris,

Gallimard,

1945.

In-12 (186 × 118 mm) de 284-[4] pp. ; broché, couverture imprimée.

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Description

Édition originale.

Exemplaire du service de presse sur papier d’édition.

Précieux volume offert par l’auteur à Sylvia Bataille et à Jacques Lacan.

Il porte cet envoi de Georges Bataille à l’encre bleue sur le faux-titre :

à Sylvia et à Jacques
affectueusement
Georges

Après avoir épousé l’auteur d’Histoire de l’œil en 1928, Sylvia Bataille partagea la vie de Jacques Lacan de 1938 jusqu’à la mort de ce dernier en 1981. Bataille gardera de bonnes relations avec son ex-épouse, et fut très proche de Lacan dans les années 1940. Sur le cercle intellectuel de Georges Bataille à cette époque, fréquenté entre autres par Jacques Lacan, Michel Leiris, Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir, voir Élisabeth Roudinesco.

Sur Nietzsche est un des livres fondamentaux de Bataille, peut-être même la clef de tous les autres. «Si toute la pensée athéologique repose en effet tout entière sur la notion de système, elle en est en même temps l’excès. Des textes comme Madame Edwarda, Le Mort, Le Petit représentent sans conteste cet excès. Le Coupable, L’Expérience intérieure, d’une certaine façon aussi. Bataille ne les a-t-il pas sciemment expurgés de ce qui justifiait cet excès à en ruiner le système? Mais le système existe, et Sur Nietzsche, le dernier des grands livres de cette somme, le met à nu… » (Michel Surya)

«À peu d’exceptions près, ma compagnie sur terre est celle de Nietzsche…», a écrit Bataille, et aussi : « Je suis le seul à me donner, non comme un glossateur de Nietzsche, mais comme étant le même que lui.» Benoît Goetz s’est interrogé sur cette «mêmeté» de Nietzsche et de Bataille, «qui n’est pas identité, dont l’origine n’est pas d’ordre mimétique… Ou si identité il y a, elle est peut-être du même ordre que celle dont parlait Deleuze : “la grande identité” de Spinoza et de Nietzsche ». Cette « mêmeté », poursuit-il, « n’est pas sans rapport avec ce que Nietzsche a nommé “éternel retour du même”, et qui n’a rien à voir, comme Deleuze l’a bien souligné, avec la très vieille hypothèse de cycles cosmiques répétitifs. À travers la répétition tout change et varie. Bataille n’est donc pas un clone de Nietzsche, qui ne réclamait ni disciples ni épigones, mais un écho. Bataille fait écho à Nietzsche. On peut nommer ce phénomène “parodie”, même si le mot n’est plus à la mode. Cela signifie qu’une pensée et une écriture, un mode de vie, un ethos glissent le long d’autres textes et d’autres pensées, au point de les épouser, comme un anneau un autre anneau, mais sans confusion aucune. Noces contre nature, celles de la guêpe et de l’orchidée. Mélodie éternelle qui se chante elle-même.» Le saut nietzschéen dont il faut faire l’expérience, consisterait, pour Bataille, «à mordre la tête du serpent de l’esprit de vengeance (pour reprendre l’image du Zarathoustra), et à se débarrasser du ressentiment contre le temps et le “il était”. C’est le fond sans fond de la pensée du retour. […] Comme Nietzsche, Bataille est un penseur du plus grand sérieux qui se renverse en jeu et en danse. » La pensée de Nietzsche, saisie à travers le prisme de l’œuvre de Bataille, « est porteuse d’une affirmation qui n’est affirmation que de l’affirmation, et non d’une doctrine particulière. La “doctrine” de l’éternel retour est sans contenu, à la différence, sans doute, de la doctrine de la volonté de puissance. Pour parler comme Heidegger, cette dernière énonce quelque chose concernant l’être de l’étant. La “doctrine” de l’éternel retour, la “grande pensée” n’énonce rien de tel. Elle est l’affirmation d’une manière d’être, d’une manière de l’être lui-même, qui ne comporte rien de fixe, donc rien d’étant et qui par conséquent nous emporte nous-même…» Comme l’écrit Nietzsche dans Le Gai savoir, « L’impérieux jeu du monde / mêle l’être et l’apparence / L’éternelle extravagance / Nous y mêle pêle-mêle. » (trad. de Pierre Klossowski).

Marges un peu jaunies, infimes traces d’usure à la couverture.

Provenance : Sylvia Maklès (1908-1993) et Jacques Lacan (1901-1981), puis par descendance. –Sotheby’s, cat. Livres et manuscrits, 15 décembre 2020, lot 86.

Références : Élisabeth Roudinesco, Jacques Lacan, Paris, Fayard,1993, pp.172-229, passim.– Michel Surya, Georges Bataille, la mort à l’œuvre, Paris, Gallimard, 1992 (rééd. 2012), p. 390, passim. – Benoît Goetz, « Éternel retour de Nietzsche », in Le Portique, revue de philosophie et de sciences humaines, no 29, 2012 (en ligne).

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